Le dessin qui marque

L’homme de Vitruve, inscrit dans un cercle et dans un carré, dessiné par Léonard de Vinci à la fin du 15ème siècle, illustre un passage du livre « De Architectura » de Vitruve (1er siècle avant JC).

Le cercle signifie le ciel et le carré : la terre. L’homme s’inscrit ainsi dans une sorte de « mandala », figure symbolique universelle, traduction du cosmos, de l’alliance du ciel et de la terre, au milieu de laquelle se situe l’homme. La figure est ternaire, si l’on considère les jambes serrées, les bras à angles droits. Quaternaire, si l’on ajoute la tête. Une étoile s’inscrit parfaitement sur les points tête/ bras horizontaux, jambes desserrées. En cherchant bien, on peut y trouver encore une multitudes de significations.

L’harmonie graphique règne : le visage, du menton jusqu’au sommet du front et à la racine des cheveux représente le 10ème de la hauteur totale, de même que la main ouverte, depuis l’articulation du poignet jusqu’à l’extrémité du majeur. La tête, depuis le menton jusqu’au sommet du crâne, vaut 1/8ème .

La célébrité du dessin de Léonard de Vinci est liée à la fois à l’exactitude du rendu des proportions, suivant fidèlement le texte de Vitruve dans la continuité d’une longue tradition gréco-romaine et au fait que de Vinci a pratiqué plusieurs dizaines de dissections du corps humain.

Cette représentation a longtemps été le symbole associé à Manpower avant le logotype actuel. Il est l’un des constituant de la définition de marque d’U/C Consultants. En 2003, le roman de Dan Brown : « Da Vinci code » le réinstalle dans l’imaginaire collectif.

La pub et les enfants

Je fais mes courses chez Intermarché ou chez Carrefour Market. Je ne changerai pas. Les autres enseignes sont trop loin. Pourquoi alors ces films comparant par exemple un jus d’orange Andros chez Leclerc ou chez Intermarché ? Lorsqu’on regarde les zones de chalandise, ces enseignes pensent-elles raisonnablement que parce qu’on gagne 30 centimes sur 1 litre de jus d’orange, on va faire quelques kilomètres de plus et changer d’enseigne ?

Non. Elles souhaitent communiquer une image moins chère. C’est oublier que les acheteurs ont changé. Même si tout le déclaratif du monde prouve le contraire.  Cette publicité, sur base d’un produit, prétend  modifier l’image d’un magasin. Au-delà de la vieille querelle Leclerc-Intermarché, chaque enseigne semble y croire.

En lançant les marques-repères en 1993 (je dirigeais l’agence qui en a été en charge), avant de gérer  l’ensemble des packagings d’Intermarché, dont des gammes premier prix, j’ai assisté à des courses folles vers le bas.

Les bases du commerce, c’est de pouvoir trouver le produit au bon moment, associé à un service, le tout avec le sourire. Peu importe si mon jus d’orange coûte plus cher chez Monop’. L’environnement de vente, la proximité, fait que j’accepte de le payer plus cher. Franchement, quel est l’intérêt d’un tel film pour un magasin Intermarché, seul hyper de sa région, par exemple celui de Maulette, dans les Yvelines, lorsque le sans plomb 95 est à 1, 60 euro le litre !

Dans la confusion des forfaits d’opérateurs mobiles, où plus personne sait vraiment où il en est, dans la profusion des linéaires de jambon, de fromages, de films qui prétendent expliquer, le consommateur peut être dupé. Mais il n’est plus dupe. Lorsque la FNAC vend des produits culturels comme des meubles bas-de-gamme, sans conseil ni paquet cadeau, en communiquant de plus en plus sur le prix, alors on peut s’interroger, au-delà de son offre, sur l’avenir de l’enseigne.

Mais où est donc passée la valeur ajoutée ?

Pratiquer un marketing éducatif : est-ce crédible ?

En il y a 8 ans, le CEPE (Centre Européen des Produits de l’Enfant) organisait un colloque réunissant des universitaires venus du monde entier, sur le thème des enfants et de l’alimentation. Les différents travaux ont abouti à une table ronde de clotûre qu’Inès de la Ville, fondatrice du CEPE dans le cadre de l’Université de Poitiers, m’a demandé d’animer. Conclusions.

Les objectifs de cette table ronde consistaient à mettre en lumière les efforts des marques. Puis à s’interroger sur la nécessité et la crédibilité des efforts : par exemple, les informations nutritionnelles à destination des mères sont-elles d’abord lisibles, puis nécessaires, puis crédibles, dans un contexte de surenchère d’allégations qui deviennent plus des arguments de vente au lieu de constituer des informations objectives ?

Les marques ne se tuent-elles pas elles-mêmes devant cette avalanche d’informations destinées à faciliter le placement des produits en linéaire et à faire émerger le packaging ? Sont-elles encore crédibles dans un monde où la nature même du marketing évolue, pour passer d’une science , c’est-à-dire « la connaissance claire et certaine de quelque chose, fondée soit sur des principes évidents et des démonstrations, soit sur des raisonnements expérimentaux, ou encore sur l’analyse des sociétés et des faits humains. » (Michel Blay),  à une technologie, c’est-à-dire  « l’étude, la description, le savoir organisé, la codification, l’explication des techniques. »

Les marques alimentaires pour enfants sont particulièrement sollicitées, qui doivent séduire à la fois l’acheteur (la mère ou un parent), le prescripteur (la mère ou l’enfant), le distributeur (pour être référencées).

La protection du jeune consommateur n’est-elle finalement pas illusoire, les marques travaillant d’abord pour les ventes, en se rassurant quant au discours qu’elles émettent ?

Les marques en présence, au travers des quatre interventions, répondent à ces questions et nous assurent de leur bonne dimension éducative : dimension informative, dimension attractive vers ces informations (manière dont l’information est délivrée), dimension responsable (engagement de la marque vers plus de transparence).

Constat est fait que peu de marques réussissent ce défi. Les exemple de BN (France) et de Kidfresh (USA) sont évidemment des exceptions, mais il semble qu’on puissent difficilement empêcher la répétition de consommation (par plaisir ou compulsivité), mettant à mal toute information objective. L’ARPP (Autorité de Régulation des Professions publicitaires en France) définit des règles avec les professionnels de la publicité eux-mêmes : la forme et le fond des films posent parfois problème, les films sont interdits mais la marque communique au final les informations qu’elle souhaite.

Une approche « études », telle que celle d’Olivier Raymond, permet certes d’étudier les comportements, les consommations des enfants et des jeunes, de comparer, d’un secteur à l’autre, les techniques responsables en les transposant à une marque donnée : il s’agit ici d’un conseil pour la marque, qu’elle suivra ou non ou qu’elle mettra en place avec plus ou moins de moyens.

En 2010, alors que les problèmes d’obésité des enfants se posent, alors que l’on sait parfaitement ce qui, en termes diététiques, est bon ou non pour l’enfant, les marques agissent souvent avec des allégations packaging qui les arrangent ou au moyen de films qui — c’est leur rôle — privilégient l’adhésion à la prévention.

Hier, en matière de consommation automobile, on parlait de l’esthétique et de la vitesse. On parle aujourd’hui du prix et de l’économie d’énergie. Et toujours du plaisir de conduire.

De la même façon, les marques savent bien que la vente des produits alimentaires pour enfants passe désormais non plus par l’abondance et l’encouragement à en consommer toujours plus, mais par la prévention de l’excès, le goût et une forme de naturalité. Avec toujours le plaisir.

Les marques doivent cependant choisir entre la vente en masse et la prévention de l’excès, c’est-à-dire la pédagogie. L’Etat, en France, est là pour y veiller. Mais à qui revient le rôle, à terme ?