Les responsables marketing font-ils vraiment leurs courses ? Ils s’apercevraient vite que les linéaires sont surchargés. Un peu trop, même. Au risque de tuer les marques. Le nombre de marques et de références pour chaque catégorie de produits a augmenté incroyablement depuis certaines années. Les innovations ne sont plus de vraies innovations. Les réseaux sociaux semblent occulter la visibilité des marques. Et des experts se penchent sur le fait qu’en Europe, les consommateurs prêtent de moins en moins d’importance aux marques. Analyse.
La marque, à la fin du 20ème siècle, pouvait avoir une influence sur la décision d’achat. En 2012, les marketeurs aimeraient que rien n’ait changé. Question de confort. Première cause de danger: trop de marques tuent les marques, comme trop d’informations tue l’information. Pour un même produit, le choix a plus que doublé depuis vingt ans. J’emmène parfois des clients ou des étudiants en magasin. Le constat autour de linéaires comme le chocolat, par exemple, est effarant.
Du tryptique chocolat au lait/à croquer/Crunch, on est passé à une offre très large, reposant sur l’innovation, le goût, les nouvelles saveurs. Même si cet univers est passé à côté d’occasions manquées (la lécithine de soja remplacée par la lécithine de Tournesol par une marque comme Cémoi, un label distinguant le pourcentage réel de cacao, etc.), il n’en reste pas moins qu’on recherche en permanence des goûts nouveaux, des assemblages originaux: pépites caramélisées à la menthe, pommes vanille bourbon, etc.
Là, peu importe la marque, qui s’estompe. C’est aussi le cas pour l’alimentation infantile, avec plus de 100 références en dix ans, du café dopé par les dosettes, les produits de beauté, les plats cuisinés frais, les boissons sans alcool, les yaourts, les produits apéritifs, les salades pré-emballées, comme le souligne une étude Nielsen dans le Journal du Net.
Deuxième cause d’appréhension: les réseaux sociaux. Les marques apprivoisent les réseaux sociaux. Mais sont-ils vraiment leurs amis? La relation marque-consommateur change profondément au travers des réseaux sociaux. Au moment où l’humain s’inscrit dans de nombreuses études de valeurs de marque (humanité, proximité, attentivité, caring, etc.), les marques n’ont jamais paru aussi distantes dans la vie réelle: elles disparaissent dans les réseaux sociaux et leur visibilité ne semble plus assurée. Des dirigeants hésitent donc toujours à renchérir sur ce type d’investissement. Néanmoins, c’est méconnaître le digital one-to-one, qui implique une relation personnelle, intime, à la marque. Les marques créent en ce moment même leurs communautés, vivier de prescriptions entre « amis », qui partagent entre eux et donnent leurs vis. Elles investissent pour le court terme.
Troisième cause: le prix. La crise fait que, pour de très nombreux français, la crise implique une entrée de choix par le prix. C’est le succès de sites comme Kideal, en France, qui met au second plan la notion de marque. On y achète, par opportunité, des services et des produits. Les marques distributeurs y contribuent également, tout en promouvant leur enseigne.
Quatrième cause: l’absence d’innovation. Un jour, une marque connue de yaourt m’a demandé de révolutionner la marque en « amenant une innovation ». Le tout pour 6 000 euros. Si les relais de croissance se trouvent dans l’innovation, il s’agit surtout de fausses innovations. On fait du neuf avec du vieux et tout semble avoir été inventé. De nombreuses innovations ne sont que reformulation. Les consommateurs-citoyens ne sont plus dupes.
La crise et le redéploiement de notre société n’entraîneront pas la fin des marques. C’est ce que l’on constate chez U/C Consultants dans des études réalisées pour Le Clan Communication. Chaque produit ou service constitue un repère fort que marque la marque.
Et mieux vaut capitaliser sur des marques acquises plutôt que d’en inventer des nouvelles.